RRAC (Recouvrement Rapide Après Chirurgie) et chirurgie ambulatoire en orthopédie
Ce titre rassemble des réalités différentes mais complémentaires.
Le RRAC (ou Fast-Track-Chirurgie des Anglo-Saxons) désigne l’ensemble des procédures de prise en charge (anesthésiques, chirurgicales, kinésithérapiques, diététiques…) permettant au patient opéré de récupérer le plus rapidement possible sa fonction.
L’ambulatoire désigne une durée d’hospitalisation inférieure à 12 heures, le patient regagnant son domicile le jour de l’intervention chirurgicale.
La mise en œuvre des procédures RRAC peut permettre la prise en charge en ambulatoire d’interventions réputées comme lourdes et ou douloureuses (prothèses de hanche et de genou, ligamentoplasties de genou et de cheville, chirurgies de l’épaule et du pied…). Il s’agit d’une conséquence logique de l’efficacité de ces procédures mais non d’un objectif à tout prix. Celui qui va bien peut sortir plus tôt. Il existe néanmoins des limites qui doivent intégrer, outre le patient qui reste le principal acteur de sa prise en charge, ses éventuelles comorbidités, son mode de vie, son habitat, son environnement familial etc…En dehors de l’ambulatoire, les procédures RRAC contribuent à hâter la récupération fonctionnelle et diminuer la durée d’hospitalisation.
1. Généralités :
Les origines du RRAC
C’est en 1995 au Danemark que le Pr KEHLET a publié ses premiers travaux sur l’application du RRAC à la chirurgie colique. Devenue courante dans les pays scandinaves et en Grande Bretagne, son application est restée plus limitée en France et motiva la publication d’une note de cadrage de la Haute Autorité de Santé en juillet 2014.
Implications et conséquences du RRAC
Le patient doit rester au cœur du système qui lui est proposé dès le départ, le plus souvent par le chirurgien. Il s’agit d’un travail d’équipe regroupant tous les intervenants : anesthésistes, infirmières kinésithérapeutes qui appliquent des protocoles connus préalablement débattus et écrits, mais aussi le médecin généraliste. Tous les intervenants doivent accepter d’évoluer ensemble vers l’efficacité et la simplification des procédures afin d’en faire profiter le plus grand nombre de patients. Les protocoles évoluent dès lors que l’on se pose tous la même question : qu’est ce qui fait que le patient ne peut pas rentrer à la maison ?
Les conséquences administratives du RRAC n’ont pas toujours été bien acceptées par les établissements de soins car la diminution de la durée moyenne de séjour entraine une baisse des recettes d’hôtellerie. Il existait auparavant des durées moyennes de séjour par pathologie, comportant des bornes hautes et basses, en dehors desquelles l’établissement subissait un préjudice financier. Une autre conséquence a été la diminution de nombre de lits de court séjour au profit des places en chirurgie ambulatoire. Ainsi pour 1000 habitants, la Suède compte toujours actuellement 2 fois moins de lits de court séjour que la France. Les choses ont actuellement bien changé et il existe de fortes incitations à développer la chirurgie ambulatoire.
Parmi les conséquences médicales du RRAC il faut mentionner la baisse de consommation de matériel (tubulures de perfusion, solutés), de médicaments, de soins infirmiers mais aussi la diminution des infections nosocomiales, conséquence directe du raccourcissement du séjour en milieu hospitalier.
2. Le RRAC et l’ambulatoire en pratique :
Lors de la consultation chirurgicale :
L’indication opératoire étant retenue, votre chirurgien vous informe des principales modalités du RRAC et des conséquences sur votre durée d’hospitalisation. Cette dernière est parfois évitable au profit de l’ambulatoire, sous réserve :
- que le geste chirurgical s’y prête,
- que le mode de vie du patient, son habitat, son environnement familial et social soient compatibles,
- qu’en cas de besoins un réseau de soins puisse préalablement être organisé. (généraliste, infirmières, kinésithérapeute…)
Si toutes ces conditions sont réunies, le patient est à priori éligible à l’ambulatoire. Il sera adressé à la consultation du médecin anesthésiste qui seul achèvera de valider ce type de prise en charge. Le chirurgien fait à l’avance les différentes ordonnances de médicaments (anticoagulants, anti-inflammatoires, antalgiques), de pansements, de soins infirmiers et de kinésithérapie. D’éventuels orthèses, cannes anglaises et moyens de cryothérapie peuvent également être prescrits ; tout cela afin de préparer votre prise en charge avant l’admission. La zone opératoire devra être dépilée selon les informations du chirurgien et vous devrez prendre une douche avec shampoing en utilisant un savon antiseptique.
Quittant votre chirurgien, vous irez prendre rendez-vous à la consultation d’anesthésie et effectuerez votre prise en charge au bureau des admissions. Il est important de donner un N° de téléphone correct afin de pouvoir être contacté la veille de votre admission ainsi que le lendemain de votre sortie.
Le patient est donc un acteur essentiel de sa prise en charge. Le médecin traitant sera destinataire d’un courrier d’information lui permettant de prendre place dans la boucle de soins et d’intervenir si besoin.
Lors de la consultation d’anesthésie :
Vous devrez être en possession des ordonnances mentionnant tous vos traitements (demandez au besoin à votre généraliste une liste récapitulative).
Le praticien vérifie que tous les critères d’éligibilité sont présents en cas de chirurgie ambulatoire, s’assure de votre état général (fonction cardio respiratoire en particulier), vérifie les éventuels traitements personnels à arrêter ou à modifier avant l’intervention (anticoagulants…), vous informe des différentes modalités anesthésiques compatibles avec le geste chirurgical et votre sortie.
Vous serez également informé de la période de jeun pré opératoire que l’on souhaite la plus courte possible, habituellement 6 heures pour les solides et 3 heures pour les liquides clairs (thé, eau sucrée, jus de fruits sans pulpe). L’horaire précis n’est souvent décidé que la veille de l’intervention et vous devrez donc être joignable afin de connaître votre horaire d’arrivée et donc vos horaires de jeun. En cas d’’incompatibilité avec la prise en charge en ambulatoire vous repasserez par le bureau des admissions afin que l’’on vous réserve un lit en hospitalisation.
Le jour J :
- à l’arrivée dans l’unité de chirurgie ambulatoire (ou d’hospitalisation), une infirmière vérifiera votre dossier médical (radios et examens complémentaires), s’inquiètera de votre jeun et de la préparation de la zone opératoire. Une heure avant votre passage au bloc opératoire, la prémédication éventuellement prescrite par le médecin anesthésiste vous sera administrée ainsi que certains autres traitements le cas échéant.
- au bloc opératoire : l’anesthésie retenue lors de la consultation pré opératoire sera mise en œuvre. Les anesthésies loco régionales péri nerveuses étant souvent privilégiées, leur technique et leur délai d’efficacité étant longs, vous pouvez être pris en charge en salle pré interventionnelle longtemps avant l’intervention. En salle interventionnelle, le médecin anesthésiste peut, outre l’antibio prophylaxie réglementaire, vous injecter certains médicaments limitant le saignement, diminuant l’inflammation et la douleur. Tout cela dans le but de simplifier les suites opératoires et d’accélérer votre reprise fonctionnelle qui conditionne votre sortie rapide.
- le chirurgien utilise habituellement la technique évoquée en consultation et peut terminer son geste en infiltrant les différents tissus traversés par une solution associant : anesthésique local, vaso-constricteur voire corticoïdes. Dans certaines interventions un drain relié au vide (redon) est nécessaire et parfois un cathéter intra articulaire est laissé en place pour permettre la ré injection de produit anesthésique local ;
- en salle de réveil, l’évaluation de la douleur est facilitée si vous n’avez pas eu d’anesthésie générale mais, dans tous les cas, certains ajustements peuvent être nécessaires. L’état du pansement, la sensibilité et la mobilité du membre opéré, ainsi que la quantité d’un éventuel drainage sont consignés. Lorsque toutes les conditions sont réunies et après accord de l’anesthésiste responsable de l’unité, vous serez acheminé dans votre unité de soins ;
- de retour dans l’unité de soins, l’infirmière vérifiera l’état de votre pansement et ré évaluera votre douleur. L’ablation d’un drain et les différentes prescriptions seront effectuées. Un kinésithérapeute peut passer d’emblée pour effectuer le premier lever, vous aider à mobiliser l’articulation opérée, s’assurer de la bonne position d’une attelle, d’une chaussure médicale et du fonctionnement d’un appareil de cryothérapie. En cas de cathéter intra articulaire ou péri nerveux laissé en place, le médecin anesthésiste peut décider d’une ré injection, suivie du maintien ou de son ablation avant la sortie ;
- votre retour à domicile ne s’effectuera qu’après le passage de votre chirurgien. Outre l’ultime vérification de votre pansement et de votre douleur, votre capacité à retourner chez vous le jour même est réévaluée selon des paramètres tenant compte du membre opéré (capacité à tenir debout et de se déplacer pour un membre inférieur) et de votre environnement qui ne doit pas avoir changé depuis les consultations pré opératoires (en cas de problème, votre sortie serait différée au lendemain et vous seriez transféré dans l’unité d’’hospitalisation). Le chirurgien s’assure que vous disposez bien de toutes les ordonnances nécessaires pour la convalescence ainsi que du rendez-vous en consultation post opératoire. Différents compte rendus (opératoire et d’hospitalisation) peuvent vous être donnés. Il doit enfin vérifier que vous disposez bien de tous les N° de téléphone en cas de problème (urgence, unités de soins, chirurgien), N° qui figurent sur un document remis en mains propres.
Toutes ces conditions constituent un véritable changement dans les pratiques chirurgicales. Le patient ne subit plus une prise en charge qui lui est imposée mais reste l’acteur principal d’une prise en charge qui lui a été expliquée et qu’il a acceptée. Cette prise en charge sous-entend une collaboration étroite entre les différents médecins (chirurgien, anesthésiste, généraliste) mais aussi soignants (infirmières, kinésithérapeutes) sans oublier l’administration de l’établissement de soins. Cette organisation est chronophage pour les différents intervenants. En cas chirurgie ambulatoire, elle nécessite une unité de soins dédiée, dotée de personnels motivés en nombre adapté. Les rotations de lits en chirurgie ambulatoire imposent le respect des horaires d’admission, de passage au bloc opératoire et de sortie. L’imprévu doit pouvoir être géré et si la sortie est impossible, le patient doit pouvoir être hospitalisé.
Les pouvoirs publics ont bien compris les économies à retirer des diminutions de durée de séjour. Les progrès réalisés dans la prise en charge des patients ont permis la diminution des durées d’hospitalisation et le développement de la chirurgie ambulatoire, dont l’opéré doit être le principal bénéficiaire. Ainsi, il regagnera le plus tôt possible son domicile et son environnement social habituel, gages d’une récupération rapide.
Une valorisation des actes est cependant nécessaire pour les établissements de soins et les praticiens pour les inciter à poursuivre en compensant le surcroît de travail et de tâches administratives.